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La Russie et ses capacités d’armements : un levier militaire en Ukraine (1/2)

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La fourniture en armements et en munitions est au centre des attentions de la Russie et de l’Ukraine. Elle est un enjeu déterminant qui se répercute depuis plus de deux ans sur les capacités d’actions des deux armées. Ces dernières semaines, l’exécutif et l’état-major ukrainiens ont communiqué sur leur besoin essentiel de nouvelles aides militaires. La situation actuelle témoigne de problèmes d’approvisionnements pour l’Ukraine. Elle interroge surtout sur un système industriel et logistique russe qui semble, depuis le début de la guerre, s’être adapté pour devenir l’un des leviers du front. Dans cette première partie, nous allons revenir sur les capacités matérielles russes avant le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine.

La Russie, troisième puissance militaire mondiale

Quel état des lieux de l'armement russe avant le début de la guerre en Ukraine?
Anatoly Serdyukov (à gauche), ministre de la défense qui a initié le programme de modernisation des armements russes en 2010.

Avant le début de la guerre en Ukraine, la Russie était dans une position de supériorité militaire évidente. Durant deux décennies, elle a réorganisé ses forces conventionnelles tout en opérant une modernisation de ses équipements. En 2010, elle a notamment lancé un programme de 430 milliards de dollars sur 15 ans destiné à réarmer ses forces nucléaires et conventionnelles. Celui-ci n’a pas tenu toutes ses promesses dans la mise en œuvre de nouveaux équipements au sein de l’armée. Néanmoins, il a permis de moderniser et d’améliorer les armements déjà en service tout en introduisant des munitions plus performantes.

De fait, à la fin 2021, les forces russes étaient logiquement  supérieures à celles de l’Ukraine (selon les domaines, cela se traduit par des capacités 5 à 20 fois supérieures). En 2021, son budget représentait 65.9 milliards de dollars soit 4.1 % du produit intérieur brut (PIB) russe. En parallèle, les dépenses de défense ukrainienne n’en représentait qu’un dixième.

Un complexe militaro-industriel consolidé mais faillible

En support de ses forces, la Russie a pu compter sur son complexe militaro-industriel. Second exportateur mondial d’armement sur la période 2018-2022, il est un outil de l’influence russe l’international. Ce secteur regroupe 6 000 entreprises dans de multiples secteurs clés de l’armement. Considéré comme un fleuron national mais aussi comme l’un des maillons centraux de la souveraineté russe, il a fait l’objet d’importantes subventions de l’État pendant plusieurs années. Cela a notamment permis de consolider un tissu industriel instable à cause de la rentabilité relative de certaines entreprises.

Toutefois, le secteur fait face à plusieurs impairs. On y retrouve des difficultés industrielles de productions, d’innovations… Elles sont notamment provoquées par la corruption et les sanctions de 2014. Ces conditions affectent les capacités des industriels à tenir les délais de livraisons. Cela a notamment impacté la modernisation de l’armée russe. De plus, l’industrie de la défense russe reste dépendante à l’importation de certains armements et d’éléments technologiques (puces, semi-conducteurs, biens à double usage, systèmes de visée…). Ces composants indissociables des munitions et armements modernes l’oblige à se fournir sur le marché mondial. Par exemple, la Russe se fournit auprès d’États occidentaux, ce qui expose ses chaines d’approvisionnement aux sanctions. Une dépendance qui a amené une forte augmentation des importations de composants électroniques lors des derniers mois de 2021.

Les stocks d’armements massifs mais vieillissants de la Russie

En parallèle, la Russie peut s’appuyer sur ses stocks hérités de la Guerre froide. Ils sont constitués de multiples  armements comme des chars, des obusiers, différents types de blindés légers. Concernant les munitions, ces stocks abritent des obus de divers calibres, des missiles non guidés ou encore des munitions d’armes légères. Même s’ils ne répondent pas toujours aux enjeux modernes des conflits (notamment pour la précision ou le blindage). Ils permettent néanmoins de massifier le stock d’armes et de munitions russes. Leur état de conservation demeure néanmoins relatif. Ces équipements qui ont entre 40 et 70 ans ont subi la cannibalisation de leurs pièces et des conditions de stockages qui ont altérées l’état du matériel. Leur capacité à être opérationnels ou à le redevenir reste donc sujet à caution. S’il est difficile d’estimer leur nombre, ce stock a joué un rôle de support pendant la guerre.

Avant l’invasion de l’Ukraine, la Russie dispose d’un stock d’armements considérable et d’un support industriel à même d’appuyer sa politique d’agression. Néanmoins, cet état des lieux pointe des faiblesses au sein de ses différents atouts et interroge sur ce qui a permis à la Russie de continuer à faire pression aujourd’hui sur l’Ukraine via sa puissance de feu, alors que ses pertes se sont multipliées et que des sanctions visent ses chaines d’approvisionnements.

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Julien Oblette

est diplômé d'une licence de sciences politiques et d'un master 2 en géopolitique. Il porte un intérêt aux sujets relatifs à l'armement et aux questions d'instabilités relatives aux territoires sahéliens et d'Afrique centrale.

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